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Raina Kabaivanska sans relâche

 

Raina Kabaivanska sans relâche

OPERA international 297/janvier 2005, par Christophe Capacci

 

Rencontre d’Opéra

Aujourd’hui, elle donne sans compter d’innombrables masterclasses avec la même générosité, la même constance qu’elle a mis à chanter Butterfly et Tosca. Aujourd’hui, elle incarne pour la première fois la Comtesse de La Dame de Pique à Naples. Aujourd’hui, elle fête ses soixante-dix ans sans qu’il soit question de retraite ou de bilan. Raina Kabaivanska ne reconnaît que les vertus du travail quotidien et de la transmission aux jeunes chanteurs.

Au clavecin : Christophe Rousset. Au violon : Giuliano Carmignola, Boris Belkin et Salvatore Accardo. A l’alto : Yuri Bashmet et Bruno Giuranna. A la flûte : Patrick Gallois. Au piano : Michele Campanella et Joaquin Achucarro. Et à la direction d’orchestre : Gianluigi Gelmetti. L’affiche d’un gala ? D’un festival ? Celle, plutôt, des cours de l’été 2004 à l’Académie Chigiana de Sienne, soixante-douzièmes du nom. L’imposant palais où se déroulent ces classes célèbres est celui du comte Guido Chigi Saracini (1880-1965), grand mélomane de l’aristocratie toscane et ami de Boito, Casella, Malipiero ; il a compté parmi ses hôtes tous les musiciens de son siècle, de Prokofiev à Berio et Boulez, tous les interprètes aussi, depuis Wanda Landowska et Artur Rubinstein. Au bout d’un couloir monumental, au long duquel résonnent pêle-mêle pianos et voix humaines, Raina Kabaivanska, depuis la salle Boccherini, dispense ses cours estivaux de chant sous les toiles de trois ou quatre maîtres du Cinquecento siennois – une Vierge à l’Enfant du Riccio (alias Bartolommeo Neroni) par exemple, dont la diva, collectionneuse d’art moderne, ne se lasse pas.

Masterclasses toscanes
Une matinée de fin juillet, douze étudiants, sélectionnés parmi une grande centaine de postulants, et quelques auditeurs libres font face au piano de l’accompagnatrice, Ulla Casalini : une jeune chanteuse ukrainienne, Sofiya Solovey, se lance dans le récitatif de la Pamira rossinienne (L’assedio di Corinto), « L’ora fatal s’appressa… » Kabaivanska va et vient dans la salle, et corrige à voix haute en gesticulant : « Mâche bien les paroles, donne-leur du poids… Ne cherche pas à triller pour triller, donne à ce trille la forme d’une larme… » Et alors que l’étudiante s’efforce de terminer son récitatif par un pianissimo, la maestra s’échauffe et commente encore : « Pas seulement dans le nez : le souffle doit circuler dans tout le masque ! » Pour preuve de ce précepte, une jeune Coréenne, Jung Bin Yoon, qui, elle, chante vraiment dans le masque, propose l’air « Bel raggio lusinghier » de Semiramide. L’instrument est brillant et dense, l’émission stable, seule l’intonation de la colorature reste approximative : « Il faut que tu donnes de l’espace à la première note d’une vocalise. Et que, d’emblée, tu évalues mentalement la hauteur exacte de la note la plus haute d’une échelle ou même d’une cadence tout entière – c’est comme ça que tu éviteras d’aller chercher l’intonation en arrière. » Troisième apprentie-chanteuse de la matinée, une compatriote de Kabaivanska, déjà en troupe à l’Opéra de Hanovre et dans la ville natale de son aînée, Burgas, la singulière soprano Ina Kancheva (elle a aussi suivi plusieurs masterclasses en Bulgarie et en Espagne, avec Montserrat Caballé) : intrépide et désordonnée, elle se rue littéralement sur une Csardas de la Fledermaus émise tutta forza et chauffe à blanc un matériau rebelle. Tout est à reconstruire et Kabaivanska, déroutée par les trop robustes aigus de son élève, va s’employer à nuancer cette Rosalinde. D’abord en évoquant la nostalgie de ce qui est au-delà de la puszta hongroise et que Kancheva semble ne pas apercevoir, ensuite en articulant de nouveau toute la scène, mesure après mesure, pour refondre l’émission legato, parer la ligne vocale de contrastes dynamiques et de notes tenues : « N’oublie jamais que l’attaque d’une note, quelle qu’elle soit, est toujours sur le souffle. Alors, attaque plutôt un aigu exposé avec douceur et fermeté, dans la dynamique piano, et enfle-le progressivement sur le souffle ! C’est comme ça que la note vient bien et tient bien. Si tu sais contrôler ton soutien, c’est aussi beaucoup plus facile. Question de mécanique. Et le public adore ça… » Une technique longtemps éprouvée par celle qui la professe aujourd’hui : cette pleine palette dynamique a fait la gloire de Kabaivanska, une voix d’extraction slave, et donc facilement métallique et vibrée (l’une des raisons pour lesquelles le legs discographique officiel est si peu conséquent). Ceux qui l’ont entendue sur le vif savent comment, à la fin de l’air d’entrée d’Adriana Lecouvreur par exemple, elle contourne par un raffinement infini le risque de dureté du son, comment elle émet une note aiguë à peine audible et l’enfle peu à peu jusqu’au fortissimo par la seule et totale maîtrise du souffle – l’intonation est immanquablement juste, l’émission stable, le vibrato régulier. L’effet sur le public est garanti : cette libération progressive de l’air, des couleurs et du volume agit comme un suspense vocal sur l’épiderme de l’auditeur (l’une des raisons, cette fois, du rayonnement unique de la chanteuse et de l’amour exclusif que lui portent ses admirateurs).
L’après-midi, une belle basse libanaise, Wadih Abi Raad, s’avoue à la recherche de son répertoire et se fourvoie dans un air verdien – Mozart et Meyerbeer lui iront ensuite beaucoup mieux -, soutenu par une maestra qui lui répète inlassablement les mots « appui » et « espace sonore » (et le fait s’exercer à des gammes « paresseusement » miaulées pour donner de l’ampleur et une intonation juste à chaque note…). Cet « espace sonore » fonctionne avant tout comme une image censée rétablir la hauteur de l’émission : le défaut commun à ces élèves, tous de très haut niveau, est leur intonation fréquemment trop basse. La séance s’achèvera avec le « Pace, pace, mio Dio » d’une dernière soprano coréenne : les « Maledizione ! » finaux sont bien posés et respirés. « Tu es sur le trampoline, prête pour le grand saut. »

Quarante-cinq saisons d’intense travail
Au terme de sa journée de cours, Raina Kabaivanska rit de sa suractivité : « Il me semble que je suis encore plus occupée qu’aux meilleurs temps de ma propre carrière. Entre les concerts et récitals que je continue de donner, en Italie et en Espagne, et quelques prises de rôles – n’ayons pas peur des mots : des rôles de vieilles ! –, la Comtesse de La Dame de Pique à Naples ou Hérodiade dans la Salomé française de Wilde et Strauss à la Fenice de Venise la saison prochaine, mon quotidien, ce sont les concours et les masterclasses. Et j’y prends un vrai plaisir, c’est un accomplissement qui m’est aujourd’hui nécessaire. Je suis l’une des dernières à avoir bénéficié d’un enseignement de très haute tradition, celui de mon professeur Zita Fumagalli Riva. Et je n’oublierai jamais mes rencontres avec Rosa Ponselle, chez elle, Villa Pace, aux Etats-Unis – pas plus que je n’oublierai la façon dont, à même sa table, elle nourrissait de pizza ses… chiens ! L’une des dernières, aussi, parmi les chanteuses encore actives à avoir eu pour partenaires Mario Del Monaco, Franco Corelli et Carlo Bergonzi. A avoir appris mes rôles avec des chefs d’orchestre qui étaient encore de vrais chefs de chant… Loin de me pousser vers la retraite, toute cette expérience, j’ai envie de la transmettre à mon tour aux jeunes, et à des jeunes qui ne sont pas forcément favorisés. D’écoles en théâtres et festivals, je sillonne toute l’Italie, l’Espagne et la Bulgarie, où j’ai créé il y a deux ans une fondation à la Nouvelle Université de Sofia : je donne moi-même l’exemple en finançant par des bourses la scolarité de jeunes chanteurs ; ensuite, des amateurs fortunés et des entreprises me rejoignent pour soutenir cette fondation. » Un juste retour des choses pour celle qui avait quitté son pays natal et le Conservatoire de Sofia en 1958, avec l’accord des autorités, celle qui avait rejoint l’Italie pour ne pas devoir suivre un cursus à la soviétique : « Adolescente, j’avais un ami qui, clandestinement, captait les radios occidentales. Je le retrouvais, tard le soir, pour écouter la RAI. C’est comme ça, en cachette, que j’ai découvert l’école de chant italienne et la voix de Maria Callas… Avec un chèque du ministère de la Culture bulgare, j’ai pu survivre un an à Milan, en partageant une chambre avec deux autres jeunes femmes. En suivant surtout les cours du Liceo Viotti et de l’école de la Scala. Ensuite, j’ai rencontré Zita Fumagalli. » Aux premiers pas sur scène, à Vercelli en 1959 dans Il tabarro, succèdera rapidement l’engagement à la Scala : le Torneo notturno de Malipiero, d’abord, en 1961 et la même saison, Beatrice di Tenda de Bellini face à Joan Sutherland. De la suite, ces quarante-cinq saisons d’intense travail et de constitution d’un répertoire qui est allé de Scarlatti à Poulenc, de Donizetti à Strauss, Opéra International s’est fait régulièrement et ardemment l’écho : c’est que Raina Kabaivanska, certes pas la plus célébrée hors d’Italie parmi les grandes chanteuses de l’après-guerre, est une artiste hypersensible, intransigeante, qui ne se livre totalement qu’à ceux qui ont une conception traditionnelle, au sens le plus noble, de l’opéra et de son intégrité artistique – son public fidèle, qu’elle a toujours contraint à une concentration extrême (il le lui a d’ailleurs bien rendu), ses collègues les plus prestigieux (Luciano Pavarotti n’a jamais caché qu’elle avait été sa plus grande Tosca), les lecteurs de ces lignes, on l’espère, qui ont suivi la chronique sans cesse augmentée de ce destin orgueilleux et vulnérable, rebelle à la médiatisation forcenée. Quelques critiques, enfin, intrigués par cette vibrante concordance du geste théâtral et de l’accent musical : au premier chef, le pénétrant Rodolfo Celletti, qui vient de disparaître et avait il y a vingt ans souligné à quel point la soprano italo-bulgare était « une interprète génératrice de tension » ; selon lui, « la voix de Raina, considérée en soi, comme pure matière sonore, comme instrument générique, n’existe pour ainsi dire pas » ; il entendait par là « qu’elle ne peut se résoudre à être définie sans qu’on l’associe à un personnage donné, qu’il s’agisse de Tosca, Cio-Cio-San, Adriana ou la Comtesse de Capriccio. Parce que sa voix est différente à chaque fois. D’après Wagner – parlant de Schröder-Devrient –, c’est le seul éloge auquel devrait aspirer une chanteuse. »

Une diva d’essence callassienne ?
Et ces personnages auxquels elle doit sa voix singulière, encore mûrie par de nombreux chemins de traverse (Gluck, Spontini, Donizetti, Janacek, Poulenc et Weill), ont autant façonné une Kabaivanska à chaque fois différente qu’elle les a elle-même façonnés littéralement incomparables. Sans relâche, de la même manière qu’elle se voue aujourd’hui sans relâche à l’enseignement. Et Tosca peut-être plus que tout autre, qu’elle chantait encore au Real de Madrid la saison passée (voir O. I. n° 288 p. 52 de mars 2004) : c’est trente-trois ans plus tôt, en 1971, qu’elle l’abordait à Modène, presque malgré elle, « sans trouver immédiatement la clef ». De tous les rôles pucciniens (Cio-Cio-San étant l’incarnation d’elle que son public préfère), Tosca est celui, curieusement, qu’elle a affronté en dernier. Dans tous les théâtres italiens (avec Placido Domingo ou Pavarotti), en Allemagne, dans les capitales de l’Est (Sofia, Moscou, Bucarest), au Japon et même en France (Marseille en 1981, Paris quatre ans plus tard), partout elle a cherché : « C’est seulement lorsque j’ai compris la chose suivante que le rôle est entré en moi : Tosca est foncièrement une prima donna, autant face à Cavaradossi et Scarpia que face au public pour lequel je chante. Sa voix est un théâtre en soi, l’instrument d’une dramatisation permanente. » Cette tension théâtrale paradoxalement exprimée par les seules ressources d’une voix très cultivée a fini par faire de Kabaivanska, selon la presse italienne, « une dernière diva d’essence callassienne » : « Cela m’a toujours un peu effrayée. Comme si on me voulait me sanctifier… Assumer l’héritage de Maria Callas, je ne le peux que d’une manière tout à fait intuitive, ce n’est de l’ordre que des sensations. »
Tout autant génératrices de tension, Adriana Lecouvreur (Reggio Emilia, 1968), la Comtesse de Capriccio (Bologne, 1987) et l’Elisabetta de Roberto Devereux (Rome, 1988), trois rôles contradictoires, qu’on n’associerait jamais à une seule et même soprano, ont elles aussi façonné la diva italo-bulgare. Au sommet, pourtant, coup de dés et coup de génie, Francesca da Rimini (Reggio Emilia, 1972), cet incommode opéra Art nouveau de Zandonai qu’on ne joue presque pas hors de la Péninsule : il aura finalement accompagné Kabaivanska pendant plus de vingt ans. Aucune autre chanteuse de son siècle, pas même Magda Olivero, n’y avait été aussi régulière ; aucune, surtout, n’y a eu cette intuition d’une prosodie à la D’Annunzio jointe à une palette dynamique, à une fantaisie de la sfumatura qui font du rôle-titre un éclatant trait d’union entre Isolde et Mélisande, entre cri universel et chuchotement symboliste.
Génératrices de tension, enfin, les sporadiques apparitions de Raina Kabaivanska à l’écran, petit ou grand : outre les concerts, captations et innombrables entretiens pour la RAI, au moins trois opéras filmés : I pagliacci avec Karajan et Jon Vickers, Il trovatore à Berlin-Est avec Bartoletti, Bonisolli et Viorica Cortez, et Tosca dans les décors naturels de Rome avec Bartoletti encore, Domingo et Sherrill Milnes. Et deux rôles de fiction cinématographique. Sait-on en effet que le cinéaste japonais de La Harpe birmane, de La Vengeance d’un acteur, le très prolifique Kon Ichikawa, avait écrit un long-métrage pour Kabaivanska, Un bel di vedremo, dont elle partagea l’affiche en 1997 avec Massimo Girotti et Giuliano Gemma ? Et que Patrice Chéreau, dans une sorte de réminiscence viscontienne (une scène, nommément, de Mort à Venise), l’a filmée l’été dernier en chanteuse russe et grisonnante d’il y a cent ans, s’accompagnant elle-même au piano dans une mélodie originale de Fabio Vacchi, sur un poème choisi par Kabaivanska, La Nuit de Pouchkine ? Une scène de salon 1900 qu’elle partage avec Isabelle Huppert et Pascal Greggory, à découvrir dans le prochain film de Chéreau, Gabrielle, inspiré d’une nouvelle de Joseph Conrad. Une musique modale et nostalgique, moderne et immémoriale, slave et latine, à l’image de l’inépuisable et bouleversante chanteuse italienne née il y a soixante-dix ans dans les Balkans.

Pour retrouver Raina Kabaivanska
> Tchaïkovski, La Dame de Pique (la Comtesse, prise de rôle), direction : Jerzy Semkow, mise en scène : Francesca Zambello, Naples, Teatro San Carlo, les 18, 21, 23, 26 et 28 janvier

Récemment parus ou à paraître en CD et DVD
> Giordano, Andrea Chénier (Maddalena di Coigny), avec Carlo Bergonzi, Aldo Protti, Laura Zanini, Alfredo Mariotti, Chœur et Orchestre du Teatro La Fenice de Venise, direction : Paolo Peloso (2 CD à paraître, Living Stage LS 1114, distribution Abeille Musique, eeeee)

> Verdi, Il trovatore (Leonora), avec Franco Bonisolli, Giorgio Zancanaro, Viorica Cortez, Giancarlo Luccardi, Chœur de la Deutsche Staatsoper de Berlin, Staatskapelle Berlin, direction : Bruno Bartoletti (2 CD Arts Archives 43045-2, distribution DOM, eeee).

> Verdi, Il trovatore (Leonora), avec Placido Domingo, Piero Cappuccilli, Fiorenza Cossotto, José Van Dam, Chœur et Orchestre de la Staatsoper de Vienne, direction : Herbert von Karajan (2 DVD TDK DV-CLOPIT, distribution Intégral, TIMBRE DE PLATINE, voir O. I. n° 296 p. 91 de décembre 2004)

> « Raina Kabaivanska. Live in Concert ». Airs de Rossini, Verdi, Puccini et Cilea, Orchestre de la Radio-Télévision Suisse Italienne, direction : Nino Bonavolonta (en bonus : interview avec Giorgio Gualerzi ; 1 DVD Fabula Musica FAB 29913, disponible sur l’internet : www.ermitage.it, eeeee)

Sur internet
> Accademia Musicale Chigiana, Sienne : www.chigiana.it
> Universita del Canto, Modène : www.comune.modena.it/oraziovecchi/
> Nouvelle Université Bulgare, Sofia : www.rainakabaivanska.net
> Site de fans : www.rainafan.tk

ENCADRE MODENE

Masterclasses, masterstars…
Une connaissance profonde du répertoire, la maîtrise de la plupart des langues chantées, un vrai talent de pianiste : Raina Kabaivanska avait donné ses premières masterclasses en 1992, près de Turin. Depuis plus de dix ans, elle enseigne aussi à l’Accademia Chigiana de Sienne, à celle d’Osimo (dans les Marches), au Teatro Sperimentale de Spolète, aux Arènes de Vérone et au Teatro Real de Madrid, sans compter ses cours réguliers en Bulgarie, à Sofia. En octobre dernier, elle était à l’origine d’une autre classe dans sa ville d’adoption, Modène, à l’Istituto di Studi Musicali Orazio Vecchi, jusqu’alors uniquement consacré à l’enseignement instrumental et choral. Ce nouveau projet, baptisé Universita del Canto, a été conçu pour réunir les trois stars « locales » de l’opéra : Mirella Freni, Luciano Pavarotti et Kabaivanska, accompagnés du pianiste et chef de chant Leone Magiera (un quatrième professeur, et quel, était prévu : Nicolaï Ghiaurov, tout récemment disparu).
Lors de la conférence inaugurale de cette université, la soprano italo-bulgare n’y est pas allée par quatre chemins : « Le public veut des grands noms et les théâtres n’engagent qu’eux ; l’intérêt pour les jeunes est inexistant. Moi, je suis du côté des jeunes ! La nécessité est absolue pour eux de monter sur scène et d’acquérir une expérience théâtrale concrète. La condition sine qua non à mon enseignement est l’implication du Teatro Comunale de Modène : j’entends par là que cette institution promette d’engager les plus méritants de nos étudiants dans ses futures productions comme seconds rôles. » Le directeur du Comunale, présent à cette conférence, a promis de tenir parole. Se souvenant des débuts difficiles de sa propre carrière, Kabaivanska a ajouté : « Les plus talentueux n’ont pas les moyens d’étudier. Aidons-les ! Et comme il faut toujours que je sois la meilleure, je serai la première à le faire. » Elle a donc offert de sa poche une bourse d’études d’un an à l’université, bourse qui sera attribuée à l’un des vingt-quatre étudiants sélectionnés pour un cursus de deux ans (chant, théorie, histoire du théâtre musical, dramaturgie). Les cours débutent ce mois-ci.

Gina Guandalini